INTRODUCTIONS
La démocratie et les processus électoraux
La bonne gouvernance et le développement économique
Les conflits en Afrique : le cas de la Côte d’Ivoire
Démocratie et processus électoraux en Afrique
Dès l’entame de son essai intitulé « Les démocraties », le constitutionnaliste et politologue Olivier DUHAMEL résume en sept phrases brèves plusieurs millénaires de construction du pouvoir démocratique. Je cite : « Les hommes ont vécu dès l’origine en groupes. Les groupes formèrent des sociétés. Les sociétés se dotèrent d’un pouvoir. Le pouvoir se transforma en État. L’État reposa ou perdura par le consentement. Le consentement devint explicite. L’explicite dut se renouveler ». Fin de citation.
Le consentement sur lequel repose l’État et par lequel il perdure, ne peut justement devenir explicite et se renouveler que si l’exercice du pouvoir par le peuple est organisé. Mais, c’est parce que nous convenons de l’impossibilité, voire du danger, de la démocratie absolue, totale et permanente que nous acceptons la nécessité de bâtir l’exercice du pouvoir par le peuple dans le moule de la démocratie gouvernante et représentative. Ainsi, le consentement n’est pas convoqué en permanence et sur toutes les questions ; il devient explicite et intermittent par la voix rendue, périodiquement, au peuple par le biais d’élections pour la désignation de ses gouvernants et de ses représentants.
Dès lors, le processus électoral et, subséquemment, les élections qui en sont l’aboutissement, apparaissent, ensemble, comme un enjeu suprême de pouvoir, ainsi que des moyens par lesquels s’exerce et s’évalue la démocratie dans un pays. Cela est d’autant plus vrai dans les pays africains où, dans bien des cas, les contestations et les conflits pré et post-électoraux, continuent de rythmer les rapports entre les acteurs politiques et de saper la paix et l’unité nationale.
C’est pourquoi, le thème « Démocratie et processus électoraux en Afrique » est non seulement actuel dans un tel contexte, mais aussi pertinent pour une réunion de partis du Comité Afrique de l’Internationale socialiste. Pour nous socialistes donc, la promotion de la démocratie et de la transparence électorale ne constitue pas seulement un impératif moral ; c’est aussi un facteur déterminant de prévention des conflits, de stabilité, de bonne gouvernance et de développement. Perçus sous ce rapport, les trois thèmes de notre réunion entretiennent des relations de connexité et de complémentarité évidentes.
Mais, comment traiter de la démocratie et des processus électoraux en Afrique, devant un aréopage de théoriciens et praticiens éminents de la chose politique sans tomber dans des redites et des lieux communs ? Pour éviter un tel piège, permettez-nous de vous épargner des rappels sur l’origine grecque de la démocratie ou sur les différentes formes qu’elle a empruntées au cours de l’histoire.
L’approche du sujet s’avère ainsi plus pragmatique et nous amène à rappeler quelques principes directeurs de la démocratie et des processus électoraux, à les illustrer parfois par des cas pratiques et à soulever des interrogations auxquelles nos expériences respectives apporteront des réponses mutuellement enrichissantes.
L’actualité du thème s’explique aussi par l’intérêt d’une évaluation rendue nécessaire par les stagnations , les reculs et les remises en cause que connaît l’expérience de démocratisation, enclenchée en Afrique au début de la décennie 90 sous la conjugaison de plusieurs facteurs internes et externes. Il faut l’avouer : le processus démocratique a donné des résultats mitigés, pour ne pas dire décevants. Si des progrès démocratiques considérables ont été réalisés dans certains pays, pour d’autres par contre, les élections n’ont été qu’un moyen pratique de légitimation d’un pouvoir « électoralement » confisqué. Quinze ans après le début de la transition démocratique, la cartographie suivante peut ainsi être dressée.
1. Les pays où le processus démocratique a été respecté ou qui ont accompli des progrès dans l’approfondissement de la démocratie.
2. Les pays ayant enregistré des acquis démocratiques et qui ont même connu une alternance politique pacifique, mais où les nouveaux gouvernants remettent en cause certaines avancées démocratiques.
3. Les démocraties de façade où les élections et un relatif desserrement de l’autoritarisme n’ont été qu’un vernis destiné à la communauté internationale.
4. Les pays où les processus démocratiques ont été interrompus par des coups d’État.
5. Et enfin, ceux où tout processus démocratique est impossible à l’heure actuelle à cause de conflits ou parce que l’État y est déliquescent et ne contrôle qu’une partie de son territoire.
Dans le même temps, les processus électoraux continuent d’alimenter de vives controverses et les contestations des résultats des élections qui en dérivent, fragilisent la légitimité des pouvoirs en place.
C’est pourquoi des standards minimaux ont été progressivement définis, au plan international, tant pour la démocratie que pour les processus électoraux. Ces normes internationales sont venues compléter et préciser des textes plus généraux comme la Déclaration universelle des Droits de l’Homme ou la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Plus récemment, la Déclaration de l’Union africaine sur les élections, la démocratie et la gouvernance a rappelé les conditions à respecter pour la démocratie et pour des élections libres, sincères et transparentes.
Loin de nous l’idée de soutenir un modèle universel de démocratie que tous les pays doivent adopter. Cette approche serait, du reste, impossible et conduirait à un résultat contraire à celui escompté car, il faut le reconnaître et l’admettre, la démocratie peut emprunter des trajectoires et des formats spécifiques tenant compte de circonstances politiques, sociales et économiques, ainsi que de facteurs historiques et culturels propres à chaque pays. Bien qu’il n’existe donc pas de modèle démocratique unique, il y a des principes universels auxquels les pays africains eux-mêmes ont adhéré.
La littérature politique et juridique a fixé un certain nombre de conditions qui servent à évaluer si un pays est démocratique et non.
1. Le peuple doit exercer un contrôle sur le gouvernement soit directement, soit par l’entremise de ses représentants élus.
2. Les élus doivent être choisis, à intervalles réguliers, lors d'élections libres, sincères et transparentes.
3. Les élus doivent être en mesure d'exercer leur pouvoir constitutionnel sans faire face à une opposition ou à une influence dominante de personnes ou groupes d’intérêts non élus.
4. Le vote doit être universel, égal et secret.
5. Tout citoyen adulte doit jouir du droit de se présenter comme candidat lors des élections.
6. Les citoyens doivent avoir le droit d'exprimer leurs opinions sans crainte de représailles par l'État.
7. Les citoyens doivent avoir le droit de disposer de différentes sources d'information, telles que les médias, et de telles sources doivent être protégées par la loi.
8 Les citoyens doivent avoir le droit de former des associations et organisations, y compris des partis politiques.
9. Il existe des institutions publiques qui fonctionnent, une séparation des pouvoirs constitutionnels et des contre-pouvoirs dans la société.
10. Le gouvernement ne doit pas être sous le joug d’une influence étrangère qui aliène la souveraineté populaire.
Si une des conditions est absente, beaucoup d’observateurs jugent que le pays n'est pas réellement une démocratie. Par conséquent, les élections à elles seules — fussent-elles libres, sincères et transparentes — ne suffisent pas à donner le label démocratique à un pays. En plus des élections, il faut une architecture institutionnelle qui organise et garantit, entre autres : les droits et libertés fondamentaux des citoyens ; la séparation des pouvoirs constitutionnels ; l’existence de contre-pouvoirs ; l’égalité de tous, y compris des gouvernants, devant la loi.
Cependant, pour les socialistes que nous sommes, l’exigence de liberté, qui va de pair avec la démocratie, ne signifie pas que la puissance économique ou financière doit remplacer la légitimité ou corrompre les possibilités de choix des citoyens. En effet, l’idéal démocratique serait dévoyé s’il n’était que le gouvernement du plus fort, par le plus fort et pour le plus fort. Peu importe que le plus fort soit un pouvoir politique ou une puissance d’argent ! La démocratie n’a pas qu’un caractère politique, elle est aussi économique et sociale : ce qui implique une redistribution équitable des richesses produites et une promotion de la justice sociale et de l’égalité des chances.
Mais, que l’on nous comprenne bien : même si les élections ne sont pas une condition suffisante à la démocratie, elles n’en sont pas moins nécessaires pour légitimer l’exercice du pouvoir. Des élections libres, sincères et transparentes constituent aussi un moment fort de « respiration démocratique » parce que le processus électoral qui y conduit, est une occasion privilégiée de déploiement et de pleine jouissance des autres critères de la démocratie.
Apparaît donc clairement l’importance d’un processus électoral fiable et crédible permettant d’élire un pouvoir émanant réellement du peuple. Les approches d’organisation des élections et de conduite de processus électoraux sont, certes, diverses. Mais, il existe, à ce niveau aussi, des repères incontournables permettant de baliser la voie vers des élections libres, sincères et transparentes.
Il s’agit, en premier lieu, des fondements juridiques des processus électoraux. Pour être transparent, le processus électoral requiert un cadre légal bien défini qui trouve sa source dans les conventions internationales ou dans des accords de paix pour des élections post-conflit ; dans la Constitution ; dans la loi et la réglementation électorales. Il arrive parfois que des actes non institutionnels comme des chartes, pactes ou codes de conduite ou d’éthique, tacites ou explicites, régissent aussi la compétition entre les acteurs politiques.
En plus du contenu, tout aussi importantes sont les modalités d’élaboration et de réforme de la loi électorale. L’expérience a montré que les règles du jeu électoral peuvent être souvent modifiées par les tenants du pouvoir au gré de leurs intérêts partisans à court terme. Il s’avère donc essentiel que l’élaboration et la réforme de la loi électorale suivent des procédures participatives, consensuelles et démocratiques. C’est à ce prix que le processus électoral pourra bénéficier d’une large légitimité institutionnelle et populaire qui puisse lui garantir une certaine stabilité et longévité.
Aussi, le dispositif juridique organisant le processus électoral devra-t-il être cohérent et complet. Son contenu doit être structuré de façon non ambiguë, compréhensible et transparente. Il doit couvrir toutes les composantes et toutes les étapes du processus électoral. Ses différentes stipulations doivent être applicables car tout blocage risque d’entamer la crédibilité des élections.
Même s’il est cohérent et complet, le cadre légal doit effectivement s’appliquer pour être crédible. Les ONG internationales et nationales d’observation électorale, ainsi que les programmes d’assistance à la tenue d’élections, ne se suffisent pas seulement des textes juridiques. Dans leur méthodologie de validation d’une élection, ils en vérifient l’application effective sous le prisme de plusieurs paramètres dont les plus récurrents dans les manuels d’observation électorale sont les suivants :
1. Le degré d’impartialité dont a fait preuve l’organe chargé d’assurer le déroulement du processus électoral ;
2. Le degré de liberté dont jouissent les partis politiques et les candidats pour s’organiser, se déplacer, se réunir, et exprimer leur opinion ;
3. L’équité dans l’accès aux ressources publiques mises à disposition pour l’élection ;
4. L’égalité d’accès des partis politiques et des candidats aux médias, en particulier aux médias publics ;
5. L’inscription des électeurs sans discrimination sur la base du sexe, de la race, de l’ethnie, de la religion ou autre ;
6. Le déroulement libre du scrutin et le dépouillement transparent des voix.
Il ressort de cette liste de critères que le premier facteur de validité d’une élection est le degré d’impartialité dont a fait preuve l’organe chargé d’assurer le déroulement du processus électoral. Il en est ainsi parce que la responsabilité de l’organisation des élections est certainement la composante du processus électoral pour laquelle on note plusieurs options et qui éveille aussi beaucoup de suspicion. Dans la pratique, les pays peuvent être classés en quatre catégories en fonction de leurs types d’organismes électoraux, dépendant du niveau de consolidation des institutions et du degré de confiance ou de méfiance des acteurs politiques. On distingue ainsi :
1. Les pays où l'administration du processus électoral est totalement assurée par leurs institutions constitutionnelles normales (administration et pouvoir judiciaire) ;
2. Les pays qui, même lorsque leurs institutions exécutives et judiciaires sont en mesure de gérer le processus électoral, n’en éprouvent pas moins la nécessité de mettre en place un organe électoral de supervision et de contrôle, voire d’arbitrage de premier niveau. Cet organe n’est pas chargé de la conduite du processus électoral, mais contrôle les activités du pouvoir exécutif alors que le pouvoir judiciaire est maintenu dans ses attributions ;
3. Les pays qui confient l'organisation des élections à des organismes électoraux autonomes qui, néanmoins, demeurent sous le contrôle des institutions judiciaires ;
4. au degré ultime de méfiance se retrouvent les pays où une Cour électorale ou une Commission électorale nationale indépendante, agissant comme un quatrième pouvoir d’État, est chargée aussi bien de l’organisation des élections que du contentieux électoral.
En Afrique, les expériences de transition démocratique du début des années 90 ont été, pour la plupart, conduites par des commissions électorales nationales autonomes ou indépendantes (CENA ou CENI). A l’épreuve, force est de constater qu’elles ne sont pas la panacée, surtout lorsqu’elles ont échappé à tous contrôles en se substituant à tous les pouvoirs constitutionnels.
Avant de terminer, permettez-nous de susciter rapidement la réflexion sur deux problématiques liées aussi aux autres thèmes de notre réunion.
Il s’agit d’abord des cas particuliers de processus électoraux dans des situations de :
• prévention de conflit qui débouchent sur des élections de transition dans lesquelles la négociation pacifique entre autorité gouvernementale et opposition détermine l’essentiel du processus électoral ;
• post-conflit pour l’organisation d’élections de réconciliation après une guerre civile et pour lesquelles les accords de paix et une implication de la communauté internationale ont une forte influence sur le processus électoral.Pour les élections post-conflit, des arrangements institutionnels sont souvent trouvés pour permettre que toutes les parties prenantes à la guerre soient incluses dans la scène démocratique car la principale source de légitimité de ces élections doit être la recherche de solutions restaurant la confiance et conduisant à la paix définitive.
La deuxième problématique est enfin relative au système électoral qui constitue aussi une pomme de discorde. Même si, à ce jour, aucun système électoral parfait n’a encore été mis au point, il reste établi qu’il peut être un facteur d’inclusion ou d’exclusion de groupes sociaux de la compétition démocratique. Très souvent, la recherche d’un avantage partisan est le seul motif prépondérant qui détermine le choix d’un système électoral par les gouvernants. Ce qui peut constituer une cause de déstabilisation d’un pays fragmentée en plusieurs ethnies, nationalités ou religions.
Les systèmes électoraux ne servent pas seulement à élire des assemblées, ils contribuent fortement à prévenir et à gérer les conflits au sein des pays qui ont des minorités ethniques, religieuses, etc. Dans ces pays, le système électoral doit être bâti de sorte à favoriser des alliances trans-identitaires, obligeant ainsi les partis et candidats à rechercher des soutiens en dehors de leurs bases ethniques ou régionales habituelles. Des expériences de systèmes électoraux inclusifs mis en place en fonction de circonstances socio-historiques particulières, ont fait leur preuve un peu partout dans le monde. Plusieurs observateurs soutiennent que le système de représentation proportionnelle mis en place en Afrique du Sud, comme mécanisme de partage du pouvoir, a été l’un des facteurs déterminants ayant favorisé la réconciliation nationale.
Concluons en affirmant une conviction quant à la compatibilité entre la démocratie et la cohésion nationale dans le contexte des sociétés multiethniques africaines ! Un jeu démocratique et des processus électoraux sincères et équitables constituent l’alternative la plus éprouvée pour maintenir la cohésion nationale. Pour la réussite d’une telle ambition démocratique, il appartient avant tout aux élites africaines de faire face à leurs responsabilités. C’est par cette interpellation que je termine mon propos et vous remercie de votre attention.
Serigne Mbaye THIAM
Membre du Bureau politique du Parti socialiste du Sénégal
Bonne Gouvernance et développement
Le Comité Afrique de l'Internationale Socialiste a fait œuvre utile en programmant, sur la terre africaine, une thématique aussi actuelle et aussi contingente que la « Bonne gouvernance et le développement économique en Afrique ».
Assurément, à l'instar de maintes parties du monde, et plus que partout ailleurs, la mal gouvernance et la pauvreté sont largement partagées en Afrique. Rechercher des solutions efficaces et durables à la mal gouvernance et à la pauvreté est au centre de l'action des Etats mais aussi des organisations et des populations de ce continent pluri-millénaire.
Mais d'abord, entendons-nous bien sur le sens des mots et sur les réalités qu'ils couvrent, singulièrement en Afrique.
Après cela, il sera décisif, dans cette assemblée d'hommes et de femmes de progrès, parce que sociaux-démocrates, d'avancer des contributions au combat pour la solution des problématiques ainsi posées.
La gouvernance est un concept pluriel. Elle est ainsi toujours qualifiée. Elle a aussi une charge qualitative indéniable, bien qu'elle soit mesurable en termes d'acquis et de comportements politiques, institutionnels, sociaux et économiques.
Les invariants de la bonne gouvernance, dans tous les pays, sont par exemple une démocratie fiable, un dialogue organisé entre les acteurs du jeu politique, une communication transparente et régulière sur l'état de la nation, une allocation efficace des ressources publiques, une lutte contre la corruption, une justice compétente et impartiale, une bonne politique de promotion de la femme, la réalisation de bonnes politiques économiques et financières, le renforcement des capacités des institutionnels privés et publics (la Société civile, la Justice, le Parlement).
Le développement ajoute du qualificatif à la croissance économique, à travers le cadre de vie (sécurité, santé, éducation, culture, genre, environnement, infrastructures).
L'Afrique est notre continent. Berceau de l’humanité, elle donne l'image d'un continent martyre, mal gouverné, sousdéveloppé, d'une terre recluse, coincée entre le Moyen Age et la nouvelle société industrielle. A l'échelle d'une société mondialisée, ouverte, l'Afrique est à la traîne dans les domaines jugés porteurs de nos jours notamment la croissance économique, l'éducation, la santé, la formation, les infrastructures, la gestion des ressources humaines, l'évolution scientifique et technologique, la paix et la sécurité, la communication et l'informatique, la démocratie, le développement local, la promotion de la femme.
Tout ou beaucoup reste à faire pour que l'Afrique « rattrape » le reste du monde, dans le chemin d'une gouvernance qui assure le développement, en éliminant les fragilités et la pauvreté, à travers d'abord une reconfiguration continentale, aux plans institutionnel et géographique.
Le temps urge. L'Afrique a-t-elle les moyens de sortir de ses fragilités ? Quelle est sa responsabilité propre et quelle part obligatoire l'autre partie du monde doit prendre dans ce challenge à l'allure planétaire ?
A trop marginaliser l'Afrique, le monde ne court-il pas à sa perte ? Indubitablement ! Chaque réponse à ces questionnements fondamentaux est à retenir. Cela nous amène, dans l'espace-temps d'un échange large, à poser la problématique de la gouvernance et du développement de l'Afrique en deux chapitres.
1. L'état des lieux et les efforts de sortie de crise
2. La mondialisation doit être une chance pour une Afrique bien gouvernée, solidaire institutionnellement et économiquement entreprenante.
1. ETAT DES LIEUX ET EFFORTS DE SORTIE DE CRISE
Dotée de potentialités naturelles et minières exceptionnelles, l'Afrique se cherche politiquement depuis le années 60. La paix est agressée dans nombre de ses pays au Sud du Sahara (Apartheid en Afrique du Sud, conflits multiples et meurtriers au Rwanda, au Burundi, au Zaïre, au Congo, au Tchad, au Soudan, en Côte d’Ivoire aujourd'hui, des mouvements irrédentistes au Sénégal et ailleurs etc.).La démocratie sort difficilement des cendres de la dictature des partis uniques et les efforts réels produits dans la démocratisation des institutions sont souvent remis en cause même dans les pays où l'alternance a fait école. Ceci du fait des nouveaux pouvoirs issus des urnes qui veulent se maintenir par la fraude et l'argent. L'irréversibilité de la démocratie politique naissante reste la préoccupation majeure d'une bonne gouvernance en Afrique. Le pouvoir personnel, l'argent et le jeu des ethnies, des confréries, des régions, des nationalités ajoutés à la corruption et à la volonté de survivance politique par tous les moyens empêchent souvent l'expression libre, régulière, transparente et sincère des suffrages. C'est tout ce la aussi le lit de la déstabilisation continue de la paix en Afrique, en plus de l'action souvent pernicieuse des pays du Nord sur ceux du Sud pour la conservation de privilèges économiques et stratégiques.
C'est donc tout naturellement qu'il faille accepter que le niveau prioritaire de bonne gouvernance du Continent demeure la pérennité de la paix, de la stabilité et du respect de la démocratie à l'intérieur et entre les pays africains.
Cette responsabilité majeure incombe à nos pays qui doivent enfin, par ses élites surtout, faire preuve de lucidité historique et relever le défi de la paix, de la démocratie, j'allais dire d'un « savoir-vivre ensemble ».
La communauté internationale y a une part de responsabilité évidente. L'Afrique ne doit pas exister par la logique suicidaire pour tous, de la « ruée vers l'or », mais par celle d'un continent porteur de civilisations et de croissance au profit de la communauté mondiale. Sous ce regard, les déstabilisations et les ventes d'armes en provenance du Nord doivent mobiliser celle-ci. En lieu et place, l'Europe doit exporter plus sa méthode de gestion démocratique d'un Etat, en plus des sciences, des technologies et des délocalisations d'industries de transformation et de sociétés pétrolières.
L'économie africaine a été sous-ajustement dans une trentaine de pays pour inverser le recul économique des années 80 et stimuler la croissance. Des réformes économiques ont été menées pour booster la croissance du PIB, restaurer le cadre macro-économique, relancer l'agriculture, réduire le déficit budgétaire, encourager la concurrence, réduire les interventions de l'Etat sur les marchés en supprimant notamment les offices de commercialisation, en privatisant les entreprises publiques, en remplaçant les restrictions à l'importation par des tarifs douaniers et en procédant à des réformes financières.
Les résultats ont été mitigés et sont inversement proportionnels d'un pays ajusté à l'autre.
Cela dit, l'ajustement en lui même n'est pas un mauvais principe de gestion économique. I1 n'est simplement pas suffisant pour accélérer la croissance. Reconnaissons que la plupart des 30 pays, qui ont développé des programmes d'ajustement depuis les années 80, ont retrouvé des taux positifs de croissance du PIB par habitant, même si les performances atteintes ne sont pas du niveau des pays asiatiques et d'Amérique Latine. I1 est vrai aussi que les transferts extérieurs ont atténué les contraintes d'importation, financé les investissements (surtout dans les secteurs d'infrastructure) et régulé la consommation.
Au demeurant, l'impact de l'ajustement sur les pauvres et sur l'environnement est encore mitigé. Dans certains pays africains ajustés, les pauvres qui sont surtout en milieu rural, en tant que producteurs, ont bénéficié des réformes de l'agriculture (avec de multiples programmes à la clé comme au Sénégal avec le PNIR, le PSAOP du gouvernement socialiste), du commerce ou du régime des changes ainsi que de la suppression des monopoles dans d'importants secteurs de l'activité commerciale.
Par contre, les mesures d'ajustement n'ont pas toujours bien joué sur les prix des produits alimentaires vendus sur les marchés libres ou parallèles où s'approvisionnent la plupart des pauvres.
Les réformes, surtout pour optimiser la rareté de la ressource, ont favorisé une tarification de l'énergie, des engrais et de l'eau, proche de la vérité des prix. Elles ont réduit le gaspillage au niveau de la distribution et de la consommation.
Par contre, la taxation et la détermination des prix des ressources naturelles n'ont pas fait beaucoup de progrès.
Le transfert de main-d'œuvre — voulu avec les réformes des secteurs publics — vers le monde rural n'a pas été efficient et le chômage s'est souvent accentué devant la difficulté à repositionner valablement les exclus du secteur public et parapublic.
Aussi, la grande critique faite à l'ajustement est relative à l'insuffisante ou mauvaise prise en compte des secteurs liés au cadre de vie (la Santé - l'Education - l'Emploi).
Il va de soi que l'ajustement est une politique phasée. I1 s'agit de mettre en place un cadre de politique économique et d'investissement de nature à générer une forte accumulation de capital et un accroissement de l'épargne publique. On peut aisément comprendre qu'il faut rétablir des équilibres fondamentaux, pour dégager des ressources destinées, dans une phase ultérieure, au financement des secteurs dit « sociaux ».
Globalement, l'Afrique peine encore à trouver le chemin de la croissance et du développement durable.
La bonne gouvernance en est à la fois une condition, un moyen et même une finalité.
En ce qui concerne les flux financiers, plus précisément l'aide publique au développement, le retard enregistré est largement en deçà des objectifs. L'aide, en volume comme en qualité, n'a pas boosté la croissance. Elle a même, avouons-le, été souvent détournée. Si elle est nécessaire, elle doit être réorganisée dans le cadre d'un partenariat mieux étudié qui allie les ressources financières, aux ressources humaines et aux transferts de technologie. L'efficacité de l'aide est à ce prix.
Des efforts sont, en revanche, produits à l'interne comme en groupe, pour une meilleure prise en main de la destinée du Continent.
L'intégration semble aujourd’hui constituer la voie de développement par excellence surtout dans le contexte d'une mondialisation qui, malheureusement, ne gomme pas toujours les disparités et les fragilités entre le Nord et le Sud et consolide l'ordre de domination.
Sous ce registre, des expériences de gestion politique, économique et monétaire, de ressources naturelles, se mettent en place et se développent au grand espoir des populations. L'UEMOA, l'OMVS, la CEDEAO, l'UMA, l'UEMAC, l’UA sont autant de tentatives de solidarité qui s'expriment dans les domaines politique, économique, commercial, monétaire et de gestion concertée des ressources naturelles comme l'eau. Des réalisations et des résultats probants sont obtenus, mais c'est la volonté politique d'asseoir des organisations crédibles dans ces domaines, pour impulser la croissance et vaincre la pauvreté qui est salutaire à tous égards.
L'Afrique est en retard. Elle n'est pas condamnée. Elle est le berceau de l'Humanité. Aujourd'hui, elle est aussi son avenir. Et cela, des millions de générations d'Africains, surtout les plus jeunes, le sentent, le veulent et sont déterminés à travailler à l'avènement de cet avenir. A cet égard, l'Afrique a besoin de moins d'aide au développement mais de plus de partenariats, de justice, de paix, d'organisation et de méthode, de ressources humaines suffisantes et compétentes.
2. LA MONDIALISATION DOIT ETRE UNE CHANCE POUR UNE AFRIQUE POLITIQUEMENT BIEN GOUVERNEE, SOLIDAIRE INTITUTIONNELLEMENT ET ECONOMIQUEMENT ENTREPRENANTE
En notre qualité de sociaux-démocrates, par rapport à notre vision du monde, nous pensons que ce combat n'est pas seulement celui de l'Afrique et des Africains. I1 est celui de la survie d'un monde devenu un village planétaire avec l'explosion fulgurante de l'informatique, de la bureautique, des communications, de la cybernétique, des progrès de la santé, de l'éducation et du développement des sciences.
La bonne gouvernance et le développement économique de l'Afrique posent aussi le problème d'une mondialisation qui soit une chance pour l'Afrique et non pas un boulet. Celle-ci aspire, sans aucun doute aujourd'hui, premièrement à être bien gouvernée politiquement, deuxièmement à être solidaire dans ses Etats et dans la prise en charge institutionnelle de son développement qui requiert des ruptures, des ajustements, des regroupements, et enfin à être économiquement entreprenante dans la production de la richesse mondiale, dans les échanges commerciaux et culturels internationaux.
Ceci passe par l'installation durable de la paix et de la stabilité partout sur le continent. Ceci passe aussi par un « savoir-vivre ensemble », dans la solidarité.
Ceci passe encore par l'éradication des grandes maladies, comme le paludisme et le SIDA, pour conserver les générations de ressources humaines sans lesquelles il n'y a point de salut.
Ceci passe toujours par la création d'un mécanisme qui garantit aux citoyens leurs droits élémentaires et favorisent l'émergence, sans possibilité de remise en cause, d'une vraie société politique.
Ceci passe également par des politiques sociales, monétaires et économiques vertueuses, intégrées, qui tuent la corruption à la base, et distillent les revenus aux producteurs organisés et protégés dans leur travail.
Ceci passe surtout par le refus de la théologie économique libérale qui a confié au tout marché le gouvernement du monde. Il faut desserrer les ajustements et les compléter par des politiques sociales et de redistribution hardies (toujours la santé, l'éducation, l'emploi). Il faut recentrer les ajustements sur le marché interne d'abord, et non pas exclusivement sur les exportations. Il faut tempérer la concurrence dans une économie africaine pauvre où les petites industries ne peuvent pas valablement la soutenir sans un minimum de protection.
Il faut modérer fortement les spéculations financière et foncière, et celles des produits de la biodiversité surtout du sous-sol africain riche, dans le but de faire de l'Afrique le levier d'un projet économique viable à l'échelle mondiale.
L'Agriculture africaine doit résoudre en priorité la lancinante question de la sécurité alimentaire. Les petites industries de transformation de produits agricoles africains dans les secteurs du coton, du café, du cacao, de l'arachide, du sucre, doivent être soutenues par les Etats et par la communauté internationale, comme des voies fécondes d'émergence économique du continent.
Au total, la bonne gouvernance et le développement de l'Afrique ne sont pas des sujets cloisonnés. Ils sont aussi des questions de préoccupation à l'échelle mondiale qui doivent être résolues dans la solidarité des nations.
A cet égard, le Nouveau Partenariat Economique pour le Développement de l'Afrique (NEPAD) reste une initiative valable et bien opportune. C'est une tentative de sursaut économique qui s'ajoute à plusieurs initiatives prises au cours de ces trente dernières années (comme le Plan d'Action de Lagos). Le cadrage du NEPAD est éloquent et prometteur à condition de résoudre la double contrainte de la volonté politique des partenaires et de la mobilisation des ressources financières indispensables au financement des projets régionaux et nationaux, dans les différents secteurs retenus dans le programme.
L'espoir est à la mesure des aspirations des populations africaines et cela, le monde développé, en partenaire, doit le comprendre et travailler à son succès
Au demeurant, le monde lui-même est un sujet de préoccupation en termes de bonne gouvernance et de développement non suicidaire pour l’humanité. Trois dynamiques convergent de manière explosive sur notre monde de ce début de millénaire:
• la mondialisation de l'économie lancée par l'Europe, depuis des siècles, comme une OPA sur le reste du monde;
• la remise en cause de l'Etat-providence et de l'Etat tout court qui pourrait mettre fin au «politique » et à la « société »;
• la destruction généralisée des cultures, au Nord comme au Sud, par le rouleau compresseur de la communication, de la mercantilisation (publicité) et de la technologie.
La meilleure illustration, nous la trouvons dans l'évolution du système économique et financier qui porte sa propre auto destruction par la mise à l'écart, via le chômage, d'une fraction toujours croissante de la population.
C'est en cela aussi que, finalement, la bonne gouvernance s'identifie à la réhabilitation, contre l'économisme du marché, du fait politique, du fait social et du fait culturel.
C'est le pont indispensable entre elle et le développement. L'Afrique doit s'y engager, avec résolution et persévérance, avec sa culture et ses réalités, mais aussi avec les valeurs de progrès propres à la social-démocratie qui reste une source d'espérance et la voie optimale pour la majorité des pays du Monde.
Mamadou Faye
Membre du Bureau Politique du Parti Socialiste du Sénégal
Traiter des conflits en Afrique en retenant comme axe principal les différentes formes de violences politiques, conduit immanquablement à se livrer à un exercice qui ne peut se traduire que par un pessimisme légitime.
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